lundi 2 septembre 2024

Bernard Lapierre Assiniwi - une auto-identification réussie

Acteur, romancier, communicateur, animateur et conférencier, Bernard Assiniwi a fait connaître les cultures autochtones pendant plus de 40 ans. Je tiens à préciser que ce texte ne porte aucun jugement sur la qualité de son oeuvre.

(source: BAnQ numérique)

Comme bien des QuébecoisEs, j'ai considéré Bernard Assiniwi comme le porte-parole légitime des Premières nations du Québec. C'est au hasard d'une conversation que j'ai entrepris d'explorer les racines généalogiques de Bernard Assiniwi. Et ce que j'ai découvert m'a renversée. Bernard Assiwini n'a aucun ancêtre autochtone. Il n'a jamais été reconnu par une communauté autochtone comme un des leurs.

(acte de baptême de Bernard Lapierre, Notre-Dame de Montréal)

Bernard Assiniwi est né Bernard Lapierre à Montréal, dans le quartier Rosemont, le 31 juillet 1935. Il est le dernier rejeton d'une fratrie de 12 enfants, issus des 2 mariages de son père, Léonidas Lapierre, un plâtrier natif de la paroisse du Sault-au-Recollet (une petite paroisse au nord-est de l'île de Montréal). Sa mère, une montréalaise, est née dans le faubourg Québec (aujourd'hui quartier Centre-Sud), est aussi Canadienne-française. 


(acte de baptême de Léonidas Lapierre, Sault-au-Récollet)

Vers les années 50, la famille Lapierre s'installe à Ville Jacques-Cartier (Montréal-Sud, aujourd'hui partie ouest de Longueuil). C'est durant son adolescence que Bernard Lapierre commence à s'identifier «Mohawk» puis «Algo-cri» (contraction de Algonquin et Cri). Dans une entrevue du journal français Libération (La pierre d'achoppement18 mars 1999), il prétend que son père a grandi dans la «réserve du Lac Tapawnee» (le lac Tipani, situé dans les Laurentides, MRC Antoine-Labelle). Malgré des recherches poussées pour identifier cette «réserve», il appert qu'elle n'a jamais existé.

(pierre tombale de Léonidas Lapierre, cimetière St-Georges, Longueuil - source: Find a Grave, mémorial no 202234157)

Après des études en chant classique et en agronomie, Bernard Lapierre s'installe à Rimouski pour faire de la radio et enseigner l'art dramatique. À la mort de son père en 1966, il revient à Montréal où il évolue comme le «Grand Chef Assiwini et ses danseurs Cris des Plaines de l'Ouest» dans la troupe du Capitaine Bonhomme (personnage du regretté Michel Noël) et comme comédien dans diverses séries dramatiques et historiques, dans lesquelles il incarne souvent des personnages autochtones.

Il acquiert ses connaissances sur les modes de vie et les cultures autochtones grâce à ses fréquentions avec le «coureur des bois» Paul Provencher, les frères William et David Gidmark et surtout feu William Commanda, chef héréditaire de la communauté anishnabeg de Kitigan-Zibi (Maniwaki) qu'il rencontre au début des années 1970. C'est d'ailleurs dans la tradtion orale de ce dernier qu'il a puisé l'inspiration pour l'un de ses ouvrages les plus célèbres:


Sa demande de changement de nom pour Assiniwi est officialisée le 17 juillet 1971 (publication dans la Gazette officielle du Québec). 

De son propre aveu, son auto-identification autochtone a causé un schisme dans sa fratrie. Trois de ses 11 frères et soeurs l'ont suivi.

Dans les années 1980, il s'installe en Outaouais où il poursuit sa carrière d'écrivain et il s'identifie comme «Algonquin», car il prétend que sa mère avait de lointaines origines algonquines. À partir de 1992, il occupe le poste de «chercheur en histoire autochtone» au Service canadien d’ethnologie du Musée canadien des civilisations de Hull jusqu’à son décès en 2000.

Dans les années 1990, il fonde son «Bureau de recherches internationales autochtones du Canada» (BRIAC), qui a pour mission d'aider ses clients à faire une demande de reconnaissance de statut autochtone. La révision de quelques arbres généalogiques qu'il a montés, confrontés aux documents officiels (actes de l'état civil, recensements, actes notariés, etc) révèle qu'il a souvent «inventé» des ascendances autochtones pour ses clients. 

Le cas Bernard Assiniwi est l'exemple typique d'une auto-identification autochtone «réussie». La vérité, c'est qu'il n'était pas autochtone.

La généalogie complète de Bernard Lapierre-Assiniwi est ici.

dimanche 30 avril 2017

Une fausse parenté avec Louis Riel

Récemment, un article de la CBC Sudbury relatait la prétention d'une résidente de North Bay (Ontario) selon laquelle elle serait la descendante directe de Louis Riel, figure mythique et leader des Métis de l'Ouest canadien. 

Pauline (Seguin) Sinicrope a donné  une entrevue à la CBC de Sudbury dans laquelle elle explique que son frère a contacté une «généalogiste» québécoise, qui a fait la «découverte» de sa parenté par sa grand-mère, Gertrude Caron. Selon cette généalogiste, Louis Riel aurait été marié une 1ère fois et de cette union serait née une fille, Hélène. Sa mère serait décédée de tuberculose peu après la naissance et Louis Riel a ensuite épousé Marguerite Monet. On ne connaît pas les sources consultées pour que la chercheuse en soit arrivée à cette conclusion.

On parle beaucoup des «faits alternatifs» et des fausses nouvelles, mais quand des médias nationaux donnent une tribune sans demander aux principaux intéressés des preuves de leurs dires, on est en droit de se demander où est passé la rigueur journalistique.

C’est un fait avéré que Louis Riel n’a été marié qu’une seule fois, avec Marguerite Monet dit Belhumeur. Le mariage a été célébré le 28 avril 1881 à Fort Berthold (Montana). Des trois enfants issus cette union, deux sont décédés avant d’atteindre l’âge adulte et que leur seul fils, Jean, est mort en 1908, sans postérité, quelques mois après son mariage avec Laura Cazeault.

Le père de Louis Riel, fils de Jean-Baptiste Riel, né à Berthier-en-Haut et Marguerite Boucher, fille métisse du voyageur Louis Boucher, lui aussi originaire de Berthier-en-Haut, a épousé Julie Lagimonière. De cette union sont nés 11 enfants, mais pas de fille prénommée Hélène.

Nous avons colligé tous les actes et les données généalogiques de Mme Sinicrope (née Seguin), et nous pouvons affirmer qu'elle ne descend pas du chef des Métis du Manitoba.

Nous avons d’abord consulté l’avis de décès du père de Mme Sinicrope et celui de de sa mère .

Son grand-père Roland Seguin épouse Gertrude Caron le 12 février 1923 à Notre-Dame-de-Grâce de Hull.

Gertrude Caron est la fille de Eucher Caron et Lina (Elise) Trudel, mariés le 11 octobre 1887 à Notre-Dame-de-Grâce de Hull.

Lina Trudel est la fille de Narcisse Trudel et Hélène Riel, mariés le 20 avril 1858 à Notre-Dame d'Ottawa.







Hélène Riel, née en décembre 1841, est baptisée le 13 mars 1842 à la Mission St-Paul d'Aylmer (co. Gatineau), Qc. Elle ne peut donc pas être la fille de Louis Riel, puisque celui-ci est né en 1844.




Le couple Trudel-Riel s’installe à Finch (co. Stormont-Dundas) entre 1861 et 1881.

rec 1861 : Nelson Trudel, cultivateur, 27 ans né Bas Canada, Ellen 20 ans née Bas Canada, Margaret 1 an ;

rec 1881 : Nelson Trudel 45 ans, cultivateur, Helen 38 ans, Mary 21 ans, Lena 15 ans, Zephire 4 ans.

La famille immigre au Dakota du Nord vers 1883. On les retrouve à Pembina dans le recensement américain de 1900. Narcisse Trudel est décédé le 21 décembre 1909 à Pembina.




Hélène Riel est retournée au Canada. Elle est décédée le 3 janvier 1903 à Hull (inhumée le 9 janvier au cimetière Notre-Dame-de-Grâce de Hull).



Les parents d'Hélène Riel sont Louis Riel et Margaret Weir, un couple installé dans la région de Hull/Chelsea au Québec dans les années 1840. Nous pouvons suivre le couple depuis le mariage, le 7 mai 1838 à l'église d'Angleterre (anglicane) de Hull.

Le mariage est non filiatif. Mais nous savons, grâce au recensement, qu’il est né au Québec, entre 1805 et 1811.

Dans son testament daté du 18 juillet 1875 (G.-L. Dumouchel, notaire de Hull), il déclare résider à Finch (co. Stormont), chez sa fille Elizabeth, mariée à William McConnell. Il laisse ses biens à son épouse et sa fille Mary, mariée avec John Munharvey.

rec. 1881, Ontario, Stormont, Finch  : Lewiss Riel, 76 ans, Margaret Riel 70 ans, William McConell, 48 ans, Elizabeth McConell 40 ans.

Louis (Ether) Reil est décédé le 22 septembre 1883 à Morewood (co. Stromont-Dundas) en Ontario. Il est inhumé dans le cimetière United  aux côtés de sa fille Elizabeth (Riel) McConnell.

Au recensement de 1891 Margaret (Weir) Real habite chez sa fille Elizabeth, qui a adopté les enfants de sa sœur Mary (Riel) Munharvey.





Une consultation de la banque de donnée PRDH nous permet de déterminer que le seul Louis Riel né au Québec à cette époque, qui n’est pas décédé et n’a pas contracté mariage est né à Lavaltrie du mariage d’Antoine Riel et Thérèse Plouffe. Il est baptisé le 14 juin 1805 à Lavaltrie.




On peut suivre le parcours du couple Riel-Weir à travers les recensements :

rec. 1842, QC, Ottawa, Hull  : Louis Reale, fermier, 4 personnes dans le ménage ;

rec. 1851, QC, Ottawa, Hull  : Louis Riel 39 ans, né Québec Est, fermier, Margaret, 36 ans née Irlande, Elisabeth Riel 11 ans, Eleonor 9 ans, Mary 3 ans ;

rec. 1861 QC (Canada Est), Ottawa, Hull : Louis Riel 55 ans ans né QC Est, agriculteur, Margaret Weir 55 ans, Elisabeth 25 ans ;

rec 1871 QC, Ottawa Ouest, Hull : Reil Louis 65 ans, catholique, Marguerite Reil 64 ans Irlande church of England.

Heureusement, Janet La France, généalogiste de la Société historique de Saint-Boniface, a contacté la CBC Sudbury et l'article a été modifié. On peut écouter l'entrevue qu'elle a accordée  rétablissant les faits sur l’ascendance de Mme (Seguin) Sinicrope.